Sanction
et pédagogie
Des
mesures disciplinaires aux sanctions éducatives.
(Colloque
académique, 27 et 28/11/2000)
Compte-rendu
rédigé à partir des interventions de Loïck Villerbu (Professeur de
psychologie à Rennes 2),
Eirick Prairat (Maître
de conférences à l 'IUFM de Lorraine) et Chantal Costa (Chercheur
en Sciences de l'éducation).
Des
principes.
- Tout
acte perturbateur doit recevoir une réponse.
-
L'école n'est pas le monde, elle
le représente, c'est un espace transitionnel qui
organise le passage entre la maison et le travail, un lieu pour
essayer, s'essayer, un lieu de simulation. Les élèves y ont droit à l'erreur par rapport aux
apprentissages et de même, ils ont droit à un joker par rapport a leurs
difficultés de comportement.
- Toute sanction est à penser
en tant qu'occasion d'éducation, elle
est là pour ouvrir un nouveau commencement.
Des fonctions.
- Une
fonction politique : la
sanction rappelle la centralité de la loi en tant qu'instance qui relie
et fédère le groupe ; elle réaffirme l'identité et l'intégrité
du groupe. La loi est un lien qui relie
aux autres. Qu’est-ce
qu'on s'inter-dit ?
-
Une fonction
éthique : elle vise à faire advenir un sujet responsable en lui imputant la responsabilité
de ses actes.
- Une
fonction psychologique :
elle signifie la limite, elle est un coup d'arrêt au fantasme de toute
puissance de l'individu.
- Une fonction
pédagogique : elle
rappelle à l'élève, de par sa forme et son contenu, le sens de
sa présence à l'école : il
est là pour apprendre.
Des
préalables.
-
La sanction doit être formulée
par des adultes. Être adulte, c'est ne plus avoir peur de ne plus être aimé Un
éducateur a besoin de consistance, d'être un adulte au sens
philosophique du terme une personne
contre qui l'enfant ou l'adolescent peut s'appuyer, s'étayer, se confronter,
quelqu'un qui peut soutenir le conflit.
- La
sanction présuppose l'existence d'un cadre
objectivé de règles connu et compris des élèves.
Le réglement intérieur qui définit les mesures disciplinaires préserve
de l'arbitraire
Des propriétés.
-
La sanction s'adresse à un sujet et
non à un groupe.
Elle n'a pas pour objectif de servir à l'édification du
groupe (même si elle peut servir d'exemple
aux autres, elle n'a pas vocation à être utilisée comme telle) et il
convient donc de renoncer à une
quelconque mise en scène spectaculaire de cette sanction. Cependant,
la solennité garde
toute sa place. C'est symboliquement seulement qu'il importe de
donner à lire et à penser que c'est bien la loi qui a le dernier mot.
-
La sanction doit être parlée,
expliquée et autant que
possible comprise (ce qui ne veut pas dire admise). C'est ce sens de la sanction qui
est structurant même s'il n'est pas immédiat, même sil advient bien souvent à retardement l'éducation
est une action qui se déploie dans le
temps.
La parole (lui explique, lie de façon symbolique là où
des liens plus formels sont d'un ordre plus
archaïque : couper la main qui a volé,
mordre le mordeur, etc...
Toute vengeance est un acte muet
par excellence. La sanction éducative cherche non à venger mais à réinscrire
l'autre dans l'existence d'une règle et donc à le réintégrer au sein d'un collectif.
-
La sanction est une occasion de réapprendre
les fondements de la morale : il
y a moi et il y a l'autre, Ce
qui est premier, ce n'est pas la Loi, mais l'existence et le respect de
l'Autre en tant qu'il est équivalent
et en même temps différent de nous. Ainsi, ce qui légitime la règle consistant à lever le doigt pour parler en classe, c'est bien le
respect de la parole de l'autre. La règle n'est ici qu'un moyen
(provisoire et dont il importe de viser la suppression) réclamant d'être
finalisé pour prendre sens, pour être acceptable et accepté ; sans cela, les élèves ne font que se mouler (ou résister) dans des
comportements formels et répétitifs.
- La sanction répond à
l'indignité d'un acte et non à l'indignité d'une personne.
Cet élève s'est montré violent à un moment donné,
dans telles circonstances, et
non cet élève est violent...
- La sanction s'accompagne d'une procédure de réparation en décalage
avec l'acte.
La
réparation est une manière de transformer le pâtir en agir.
La réparation n'a de sens que lorsque l'élève ressent la
nécessité de s'amender, accepte de se mettre en position de responsabilité par rapport à ses propres actes. Réparer
autrui, c'est aussi se réparer
soi-même.
Il importe
cependant, pour éviter d'encourager chez l'enfant le développement du
fantasme démiurgique
: « j'ai tout cassé,
je peux tout réparer... » que la sanction ne soit pas l'exact et unique
miroir de la faute commise.
La sanction est
enfin l'occasion de rappeler à l'élève la raison première de sa présence
à l'école (L'école
est un un lieu pour apprendre et la construction de l'estime de soi des élèves
n'a d'autre
voie que celle de l'amélioration de leurs compétences et acquisitions
scolaires). Elle
doit donc présenter un contenu et une forme en lien explicite avec les apprentissages
scolaires.
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